Conseils pour vendre sa marque de mode en 2025

Lancer une marque de mode aujourd’hui, en Wallonie comme ailleurs, relève d’un défi passionnant et complexe, où l’audace créative doit se conjuguer à une rigueur entrepreneuriale sans faille. À l’occasion de la conférence « Vendre la mode n’est pas une mode », organisée par HEC Entrepreneurs (plus précisément par Didier Joris, professeur de négociation et vente) et le Venturelab, en avril 2025, dans le cadre du Festival des Métamorphoses Entrepreneuriales, plusieurs intervenantes du secteur ont partagé leurs expériences et conseils.

Chez Wallonie Design, nous avons voulu synthétiser ce talk pour éclairer et accompagner celles et ceux qui rêvent de donner vie et gérer une marque de mode.

1/ Vendre la mode

Sandrine Counson, maître assistante à Helmo Mode et fondatrice de l’asbl Fil et Fringue explique que, depuis le Moyen-Âge, la documentation existante montre que la commercialisation du vêtement a toujours été une histoire d’innovation et d’adaptation. Des poupées comme support promotionnel au XVIIe siècle aux gravures de Marie-Antoinette du XVIIIe, des premières maisons de couture à l’avènement du prêt-à-porter créé par les Américains au XXe siècle, jusqu’au rôle des influenceurs… chaque époque a réinventé la manière de vendre la mode.

Aujourd’hui, la fast fashion domine le marché mais un mouvement de fond s’impose : la slow fashion, qui valorise la transparence, le respect du vêtement (entretien, réparation, seconde main), le respect des artisan·es, des créateur·rices, la durabilité, l’innovation et qui in fine permet d’avoir de meilleurs produits. Les marques émergentes ne peuvent plus ignorer ces valeurs, qui structurent désormais les attentes des consommateur·rices et le positionnement des entreprises responsables. Il semble dorénavant indispensable de promouvoir une meilleure compréhension du vêtement.

À retenir :

  • L’innovation dans le secteur de la vente a façonné la façon de consommer.
  • La fast fashion gagne encore et toujours des parts de marché.
  • A contrario, gros besoin de transparence : traçabilité claire et matière durable souhaitée.

2/ Les compétences pour entreprendre dans la mode

Justine God, fondatrice et gérante de la marque Imprévu, explique que créer une marque de mode, c’est trouver un équilibre subtil entre créativité et rigueur, entre intuition artistique et gestion stratégique. Il est essentiel, avant tout, de déconstruire l’idée que la mode ne se résume qu’au glamour, aux paillettes et à la réussite rapide. À travers les expériences des intervenantes du talk qui ont travaillé dans le secteur de la mode, on comprend aisément que derrière les défilés et les belles images, se cache une réalité entrepreneuriale exigeante, marquée par une forte concurrence et des enjeux économiques considérables. Il faut savoir se faire une place, non seulement auprès des consommateur·rices, mais aussi auprès des fournisseurs, des ateliers, des revendeurs et autres partenaires clés. Dans ce contexte, une expérience préalable sur le terrain – dans la production, la vente ou la distribution – est un avantage déterminant pour comprendre les mécanismes concrets du secteur.

La gestion d’une marque ne se résume pas à la création des vêtements. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, seuls deux mois sont vraiment dédiés à la création, tandis que le reste de l’année est consacré à la production, aux négociations avec les fournisseurs, à la logistique, à la communication et à la création d’une communauté autour de la marque. Marie Dedry, experte business-mode chez Wallonie Design souligne qu’une vision globale et transversale est nécessaire : créer une marque ne se limite pas à concevoir des vêtements, c’est construire un univers cohérent, porteur de valeurs fortes et capable de fédérer une communauté. Lancer une marque implique une réflexion approfondie sur le positionnement, la politique de prix, les marges, et la stratégie commerciale.  Et cela passe par une image de marque forte avec un marketing bien pensé.

Il faut également être prêt·e à investir : du temps, de l’énergie, et des ressources financières – souvent entre 10 000 et 15 000 € pour une première collection et un lancement solide. La rentabilité ne vient pas immédiatement ; il s’agit d’un travail de longue haleine, où la gestion, la prospection, la résilience, la communication et la fidélisation prennent le pas sur la seule phase de création.

Enfin, comme le constate Olivia Bouquiaux, fondatrice de la jeune marque Cinquième, croire en son projet, défendre ses convictions, rester alignée avec ses valeurs et savoir s’adapter sont les piliers pour espérer faire vivre une marque de mode dans la durée.

À retenir :

  • La connaissance approfondie du secteur et des acteurs est indispensable.
  • Il faut travailler sa curiosité et sa capacité à anticiper les tendances.
  • Il est nécessaire de construire une identité de marque forte et cohérente
  • Bien s’entourer ou bien s’associer (production, vente, gouvernance) est capital si vous n’avez pas toutes les compétences requises et nécessaires.
  • 80% du temps de travail d’un fondateur d’une marque est lié à la gestion, la production, la communication, la finance, pas à la création de nouvelles pièces.

3/ Bien négocier pour avancer

Lorsque que l’on crée une marque de mode, très vite, les entrepreneur·euses constatent qu’il faut des compétences en stratégie et en négociation. C’est d’autant plus vrai au moment de la production, véritable étape charnière dans le développement de l’entreprise. Ce défi demande rigueur, préparation et vision stratégique sur plusieurs temporalités. Avant même de lancer la première collection, il est donc indispensable d’élaborer un business plan solide, de bien définir son positionnement, ses valeurs, de maîtriser ses chiffres (dont la politique de prix) et de prévoir plusieurs scénarios de production en cas d’imprévus au risque de voir sa marque couler en l’espace d’une ou deux saisons ! Tous ces éléments vont conditionner le choix des ateliers de productions, les quantités produites, les périodes de productions… et le prix du produit final comme le souligne Justine God, qui négocie depuis plus de 10 ans avec ses partenaires de production pour sa marque Imprevu.

La négociation, qu’il s’agisse de commandes à son fournisseur, de présenter sa collection à des boutiques ou de discuter avec des agents commerciaux est un exercice délicat. Il faut savoir écouter, anticiper, mais aussi défendre ses intérêts, notamment sur les délais de livraison, les prix, ou les conditions de rupture de contrat, la marque étant toujours considérée comme la partie « forte » en cas de problème.

C’est un exercice délicat qui requiert quelques compétences : 

  • Il faut savoir compter.
  • Il faut être à l’écoute.
  • Il faut être positif·ve.
  • Il faut être prêt·e à perdre une négociation (et donc savoir accepter de perdre).
  • Il faut avoir une connaissance technique et de l’environnement dans lequel on négocie.

À retenir :

  • Le choix du prestataire de production est lié à la politique de prix de l’entreprise.
  • Il faut voir les interactions avec les prestataires comme des collaborations win-win.
  • Il faut avoir une vision à long terme du développement de sa marque (bien définir l’ambition, les quantités futures espérées…)

4/ Quelques conseils pratiques en vrac qu’on a entendus lors du talk

  • La stratégie de prix doit être pensée globalement, en tenant compte de la collection dans son ensemble (un produit phare est peut-être moins rentable mais génèrera de la notoriété et d’autres ventes par exemple).
  • Lorsque les quantités commandées aux ateliers de production sont petites, ces derniers surchargent les coûts.
  • Il est courant de devoir verser des avances aux ateliers de production.
  • La cascade de marges – chaque intermédiaire ajoutant sa marge – doit être anticipée dès le départ, notamment si l’on vise une distribution multicanale (boutiques physiques, en ligne, pop-ups).

Conclusions

Lancer sa marque de mode en 2025, ce n’est plus simplement créer une belle collection : c’est entrer dans un univers complexe où se mêlent passion et pragmatisme, créativité et gestion, audace et humilité. Comme l’ont rappelé les intervenantes du talk « Vendre la mode n’est pas une mode », il ne suffit pas d’avoir du talent ou du goût ; il faut aussi maîtriser les rouages d’un secteur exigeant, où chaque détail – du choix des matières à la stratégie de prix – peut faire la différence.

Aujourd’hui, la transparence, la durabilité et la cohérence ne sont plus des options, mais des attentes fortes de la part des consommateur·rices. Créer une marque, c’est donc penser à la fois en designer, en technicien·ne textile, en communicant·e et en gestionnaire. Il faut des compétences multiples : savoir négocier, comprendre les marges, anticiper les scénarios de production, construire une identité forte et fédérer une communauté.

Lancer une marque, c’est accepter que la créativité ne représente qu’une petite part du quotidien ; le reste, c’est de la gestion, de la stratégie, de la résilience. Mais c’est aussi, et surtout, croire profondément en son projet, rester fidèle à ses valeurs et s’entourer des bonnes personnes pour transformer une idée en une aventure pérenne et inspirante. En somme, entreprendre dans la mode en 2025, c’est conjuguer exigence et vision pour bâtir une marque qui a du sens, dans un monde qui en a de plus en plus besoin.

À celles et ceux qui souhaitent se lancer : préparez-vous, formez-vous, testez, affinez… et entrez dans l’arène avec lucidité et détermination.

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Article rédigé avec le soutien de Wallonie Entreprendre.

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