L’œuvre et la petite série à l’épreuve du droit : certification, auteur, huissier et blockchain

Valeurs artistique et marchande, authenticité, droits de suite, certificat, marché primaire/secondaire, intermédiaire… autant de notions parfois peu maîtrisées par les designers et créateurs. Pourtant, elles sont essentielles à la valorisation et la protection du travail d’auteur dans le temps.

Wallonie Design et ARTTS se sont associés pour échanger sur les bonnes pratiques en matière de protection des œuvres ou petites séries lors d’une conférence qui a eu lieu le lundi 16 juin 2025.

Une septantaine de créateurs, designers et artistes se sont réunis pour réfléchir à une question centrale : comment protéger efficacement ses créations dans un monde où les frontières entre art, droit et technologie deviennent de plus en plus perméables ?

Trois intervenants ont apporté leur éclairage : Sari Depreeuw, avocate spécialisée en propriété intellectuelle, François Toussaint, entrepreneur actif dans le croisement entre art et innovation technologique, et Patrick Gielen, huissier de justice engagé dans l’exploration des usages de la blockchain.

Dans cet article, nos trois experts reviennent sur plusieurs éléments clés abordés lors de la conférence.

Les droits d’auteur, une protection immédiate mais fragile dans les faits

Pour Sari Depreeuw, le droit d’auteur demeure un outil fondamental. Une œuvre est protégée dès sa création, sans formalité particulière, à condition qu’elle soit originale et qu’elle exprime la personnalité de son auteur. « Le seuil de protection n’est pas très élevé mais prouver sa titularité, c’est une autre histoire ». D’où l’importance de prévoir des clauses contractuelles précises dans les contrats de service, de commande ou d’autres collaborations, afin de prévenir toute confusion quant aux usages autorisés, aux droits cédés et à la rémunération.

La certification, renforce la valeur artistique de votre travail

François Toussaint a rappelé que le certificat d’authenticité constitue « la colonne vertébrale de la valeur artistique ». Or, cet outil indispensable souffre d’un manque d’uniformité et de fiabilité. Selon lui, des certificats incomplets, falsifiés ou tout simplement perdus affaiblissent la confiance du marché. Le certificat doit donc établir un lien clair et incontestable entre l’œuvre, son créateur et sa documentation, qu’elle soit physique ou numérique. Il est également important de rappeler qu’il n’y a pas une seule manière de procéder et que les créateurs peuvent également développer leur pratique avec des spécificités qui leur sont propres.

L’huissier de justice et la blockchain : de la sécurité juridique à la traçabilité numérique

Patrick Gielen a proposé une lecture contemporaine du rôle de l’huissier : au-delà de la certification classique, l’huissier devient un garant de la preuve numérique. « La blockchain n’est pas une solution magique. Mais bien utilisée, elle devient un coffre-fort de preuve à haute valeur ajoutée »,. Concrètement, l’huissier peut certifier l’existence d’un document ou d’un fichier numérique, en inscrire l’empreinte dans une blockchain et délivrer un certificat horodaté, opposable en justice. Il a également évoqué le potentiel de la technologie Zero Knowledge Proofs (ZKP) pour concilier confidentialité et vérifiabilité, ainsi que la mise en place de “legal officer cases”, de véritables coffres-forts numériques pour les œuvres.

Le cycle de vie de l’œuvre : au-delà de la première vente

Les trois experts ont insisté sur le fait que la vie d’une œuvre ne se limite pas à sa création ni à sa première cession.

Sari Depreeuw a mis en garde contre la confusion fréquente entre vente matérielle et cession de droits intellectuels : «Vendre une œuvre ne veut pas dire céder ses droits. Il faut le prévoir, le redire, le contractualiser.» Patrick Gielen a enfin souligné le rôle que pourraient peut-être jouer les smart contracts pour intégrer l’information concernant l’existence du droit de suite et garantir aux artistes une meilleure traçabilité de la rémunération due lors des reventes successives.

Sari Depreeuw a néanmoins rappelé un élément important. Dès qu’un professionnel du marché de l’art est impliqué dans une vente, le droit de suite est dû – à savoir la rémunération obligatoire sur la base du droit de suite. Cette rémunération est payée aux sociétés de gestion collective, qui ensuite paient aux auteurs la rémunération légale.

En conclusion

Dans un marché en constante mutation, il devient primordial de protéger les artistes, rassurer les acheteurs et garantir une circulation des œuvres plus éthique et durable.

De cette rencontre est ressortie une conviction partagée : seule une approche hybride, combinant rigueur juridique, innovation technologique et bonne pratique artistique, permettra de renforcer la transparence et la confiance dans le marché de l’art. La certification est un outil pertinent qui doit s’appuyer sur une documentation fiable, une identification incontestable du créateur, une traçabilité numérique infalsifiable et un cadre juridique accessible.

Vous êtes une PME ou un·e porteur·euse de projet et vous avez besoin d’un conseil ? Notre équipe d’expert·es se tient à votre disposition !

 

Un article co-rédigé par François Toussaint, Sari Depreeuw et Patrick Gielen, en partenariat avec Wallonie Design,
inspiré de la conférence « Protection et valorisation de votre travail d’auteur : entourés d’expert·es, on fait le point ! » organisée par Wallonie Design et ARTTS.
Avec le soutien de Wallonie Entreprendre.

Articles liés

Retour sur notre service Circular Explore

Parcours d’innovation : retours d’expérience

Quelques considérations sur le co-design